J’ai toujours écrit mes chansons en français.
Je me suis toujours exprimée en français.
En fait, j’veux pas te mentir, malgré que je sois née en Ontario, je suis pas du tout bilingue. J’aimerais bien dire que je parle aussi très bien l’anglais, mais ce serait un mensonge. Si jamais un jour, tu me vois écrire en anglais quelque part, sache que j’ai assurément utilisé Google Translate.
Ça me faisait drôle parce que quand on a commencé à faire de la scène plus professionnellement, Alain et moi, c’est une question qu’on nous posait vraiment souvent en entrevue (on nous la pose encore d’ailleurs à l’occasion) : « Pourquoi avez-vous décidé de chanter en français ? »
Je comprends la raison pour laquelle on nous pose la question. C’est en quelque sorte pour défendre notre langue dans un milieu où elle est minoritaire, pour encourager les francophones à être fiers de leur langue maternelle, etc.
C’est en fait assez politique comme question, mais cette décision était pourtant loin d’être aussi songée pour nous. C’était même pas une décision en fait. C’était juste une évidence. Je parle français ; je chante en français.
J’avoue que je suis quand même une amoureuse de notre langue aussi. J’ai toujours aimé sa sonorité, ses accents et sa fameuse complexité. Je suis consciente qu’elle est beaucoup moins malléable que l’anglais en musique, ce qui fait que c’est un défi à mettre en chanson. Mais le casse-tête en vaut la peine. Le résultat est encore plus satisfaisant.
Je comprends aussi que plusieurs choisissent de chanter en anglais, malgré leurs racines parce qu’ils sont plus à l’aise à chanter dans cette langue, parce que c’est la musique qu’ils aiment écouter, parce que c’est plus cool ou parce qu’il y a une audience plus large. Certains diraient aussi : parce que ça semble une option plus facile. (Est-ce que ça l’est vraiment..?)
Si j’avais été bilingue dès mon enfance, j’aurais certainement considéré chanter en anglais ou dans les deux langues. On s’entend que c’est un métier assez difficile et que c’est logique de chercher à mettre toutes les chances de son côté pour « percer », comme y disent (je sais toujours pas exactement ce que le mot « percer » signifie, je suis pas fan du terme d’ailleurs).
Mais c’est juste pas mon histoire.
Je suis née de 2 parents qui ont travaillé dans les écoles en français en Ontario et qui ont toujours vanté tous les mérites de la langue de Molière. Ma mère faisait faire des push up à ses élèves quand elle les entendait parler entre eux en anglais haha ! Et mon père m’a appris à toujours m’adresser d’abord en français aux nouvelles personnes, même en milieu anglophone. À ce jour, grâce aux deux, même si je sais parfaitement que la personne ne dit pas un mot français, je vais inévitablement lui dire bonjour et merci en français. Bon, pour le reste, je fais un effort pour bafouiller mon possible en anglais, mais mon intro et ma conclusion franco, ça va de soi.
Est-ce que c’est handicapant de ne pas se débrouiller à merveille en anglais ?
Un peu, oui.
J’aurais certainement dû faire un plus grand effort pour apprendre à mieux l’intégrer.
Il nous est arrivé de rencontrer des idoles et d’avoir l’opportunité de jaser avec eux et j’ai jamais pu discuter de quoique ce soit parce qu’ils parlaient juste anglais. Là je regrettais, j’avoue.
Mais je te jure que je travaille là-dessus, que la volonté d’être un jour bilingue est là.
Depuis les dernières années, c’est arrivé à quelques reprises qu’on se fasse poser des questions sur les réseaux sociaux, par des anglophones cette fois, par rapport au choix de notre langue pour notre projet musical. C’est drôle parce que, c’est relativement récent qu’on a des anglophones qui nous suivent..!
Et je trouve ça extraordinaire en fait! J’ai toujours connu des francophones qui étaient fans d’artistes anglophones, mais j’avais plus rarement vu l’inverse. Ça me fascine que, malgré la barrière de la langue, la musique nous unisse.
Bon.
J’te mentirai pas que le dernier message de ce genre qu’on a reçu ressemblait à :
« ?? why do you never speak in English? - Ever a can of cream corn has 2 languages on it - You are missing a huge audience ?? »
J’ai apprécié l’humour.
Est-ce que ça se voulait drôle ou blessant ? Ou constructif ?
J’ai quand même trouvé que c’était une bonne question et qu’il apportait un point intéressant. Ça m’a fait réfléchir.
Ça m’a fait réaliser que notre langue, pour tout le monde, c’est quelque chose qui nous définit et qui nous rend rapidement émotifs.
Quand quelqu’un parle le moindrement en mal de ta langue, ça fait presque le même effet que s’il avait parlé en mal de tes enfants.
On vient rapidement sur la défensive.
Mais chers anglophones, si vous arrivez à traduire ceci, j’aimerais que vous sachiez à quel point je suis émerveillée de constater que vous suivez notre projet, que vous appréciez notre travail et que la musique fait si bien son travail de langage universel.
Chacune de vos interactions avec ce qu’on fait, ça nous fait l’effet d’une belle surprise.
La technologie évolue de jour en jour et Facebook traduit et sous-titre même d’emblée toutes les publications qui sont dans une autre langue. Faisons-en bon usage pour s’inclure dans les communautés des uns et des autres.
Personnellement, on n’est pas près de composer des chansons en anglais, c’est pas notre mission, mais on ne s’empêchera pas de faire un p’tit cover anglophone une fois de temps en temps ! Y’a tellement de belles chansons !
Si un jour la vie fait en sorte qu’on se retrouve à avoir presque autant de followers anglophones que de francophones, je vous jure que je ferai tout ce qui faut pour que vous entendiez le plus souvent possible mon accent franco vous dire mille fois thank you.
En anglais cette fois, promis.