Introvertie dans la vie… sauf sur scène

 
 

D’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours été la petite fille ultra discrète qui ne disait pas un mot dans le fond de la classe. Trop timide pour oser poser des questions. J’étais plus du genre à attendre que les autres les posent à ma place. À la récré, je laissais mes amis choisir à quoi on allait jouer et j’étais toujours d’accord. Je détestais répondre au téléphone à la maison et ça pouvait me prendre une couple d’heures pour me convaincre d’appeler quelqu’un. 
Je prenais le moins de place possible aussitôt que je me retrouvais avec d’autres personnes. Les seules phrases que tu m’entendais dire à l’occasion c’est « Je sais pas » ou bien « Ça me dérange pas ».
Quand je pleurais, ça prenait tout à ma mère pour arriver à comprendre pourquoi. 
Je ne disais pas grand-chose. 

J’écoutais surtout.

 

Mais qu’est-ce qui s’est passé coudonc depuis ce temps-là pour que je finisse par vivre ma vie sur scène maintenant, devant les yeux de tout le monde?

J’veux bin croire qu’une bonne écoute, c’est un bel atout, mais quand même…! Si on avait eu à l’époque à miser sur quelqu’un pour faire carrière sur scène, on n’aurait pas instinctivement choisi la p’tite dans le coin derrière qui regarde par terre. 

 

Et pourtant!

 

Je sais pas trop comment ça s’est fait, mais disons que j’ai commencé à faire de la musique très tôt. J’aimais bin ça. Et j’en faisais beaucoup. Alors j’ai éventuellement eu de plus en plus confiance en moi là-dedans, j’imagine. Pourtant, ça m’a pris du temps à comprendre que j’étais bonne. J’étudiais dans une classe à concentration musique. Tout le monde était bon!! Dans les cours de chorales, ils désignaient parfois des solistes pour certaines parties de chansons et jamais de ma vie je me serais proposée pour chanter un bout toute seule! Pourtant je chantais touuuut le temps à la maison. 
D’ailleurs, quand mes parents recevaient de la visite, c’était immanquable qu’à un moment donné, on me demande de chanter une chanson. Ma mère savait plus que moi que j’avais un certain talent et était fière d’en parler à son entourage, mais quand venait le temps de me demander de leur faire entendre, oublie ça. Impossible. Je figeais sur place. Pas capable. Je voulais pas.

 

Vers mes 10 ans, elle m’a offert des cours de chant. C’était des cours privés, j’avais pas le choix de chanter toute seule. À la fin de l’année, ma prof organisait des spectacles où chaque élève avait à présenter 30 min de spectacle. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu la scène à moi toute seule pour UNE DEMI-HEURE!!!  C’est très rare d’avoir ce genre d’occasion à cet âge-là. Souvent dans les spectacles de cours de musique, tu vas monter sur scène le temps d’une chanson et c’est fini. Mais là, j’avais SIX chansons en plus des interventions parlées que j’avais soigneusement pratiquées. C’était une énorme étape. 

Pis j’ai vraiment aimé ça. 

J’ai comme découvert que c’était différent de ce que je connaissais. J’arrivais toujours pas à chanter a cappella devant la visite, mais sur une scène, devant plusieurs personnes, ça, ça me dérangeait pas. J’avais un certain stress, évidemment, mais c’était pas de la gêne.

 

Pour pousser l’aisance sur scène encore plus loin, quand j’étais ado, j’ai eu envie d’essayer le théâtre musical. J’avais jamais fait de théâtre de ma vie. Et au début, j’ai trouvé ça difficile. Surtout que je me retrouvais avec un groupe avancé dans lequel tout le monde avait déjà de l’expérience de jeu. J’me souviendrai toujours, dans nos premiers cours, on devait aller à tour de rôle à l’avant pour lire un texte avec 3 émotions différentes. Je m’étais levée. J’avais pris place. Et après 10 secondes de silence, je m’étais retournée vers la prof en disant : « J’m’excuse, je pourrai pas le faire… »
Là, je devais avoir 15 ans. Mon orgueil en a pris un coup! 
Elle a refusé que je retourne me rassoir tant que je ne réalisais pas l’exercice. 

Ouch.

Ça a été long. 

Le silence était insupportable avec les yeux de toute la troupe sur moi. 
Plus j’attendais, pire c’était, plus la pression devenait grande. 

Jusqu’à ce que… je le fasse. 

C’était probablement pas très bon. Mais je l’avais fait. 

Ça m’a définitivement permis de débloquer quelque chose. Ça m’a permis de vaincre une peur, de sortir de ma zone de confort et de dépasser ma propre barrière psychologique. Ça m’a clairement fait du bien et ça a été le début d’un vraiment beau processus.

J’me suis dégênée beaucoup depuis ce temps-là.

 

Y'a tout de même longtemps eu une différence notable entre la Geneviève dans la vie et la Geneviève sur scène. Je me suis souvent fait dire par des gens qui me connaissaient et qui me voyaient pour la première fois sur scène que je devenais une nouvelle personne, que je sortais de ma coquille, qu’ils n’auraient jamais pu s’imaginer que j’arriverais d’un coup à prendre si bien ma place.

 

Eh bin…

 

Aujourd’hui, les deux Gen tendent de plus en plus à être la même personne. Ça me fait du bien de m’être libérée de cette timidité que me bloquait le passage. Mais je pense que je resterai tout de même toujours une introvertie, qui analyse énormément avant de prendre sa place devant de nouvelles personnes et dans de nouvelles situations. 
Pis c’est bin correct! En fait, être introvertie, c’est vraiment cool.

 

D’ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait croire, j’pense que la plupart des artistes sont des introvertis. Apparemment que « les introvertis prennent bien la lumière ». 
Je crois que ça fait qu’on a tendance à vouloir travailler fort et à prendre le temps de nous perfectionner avant de montrer notre travail pour ne pas avoir à gérer le syndrome de l’imposteur en même temps que le trac. 
Je crois que pour nous, être sur scène, ça nécessite moins d’efforts que de parler de la pluie et du beau temps avec monsieur madame Tout-le-Monde. 
Je crois qu’on est naturellement créatifs, rigoureux et solitaires, ce qui, au final, convient très bien à un artiste de scène. 
Et je crois que si on a le choix, on préfère être seul devant tout le monde qu’assis au milieu d’une foule.

 

Alors, au final, un introverti sur scène, c’est beaucoup plus logique que ce que ça laisse paraître, non?